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Blame!.

La résistance des humains face aux sauvegardes.
Blame! (onomatopée d’une explosion – à prononcer Blâm!), né de l’imagination du mangaka Tsutomu Nihei, est une oeuvre en 10 volumes qui parut de Janvier 1997 à Juillet 2003 dans le magazine de prépublication mensuel Afternoon de la Kôdansha.

Les origines du manga datent de 1995, année durant laquelle le (plus ou moins) pilote de la série fut publié et reçut le prix Taniguchi Jirô Jury Prize du concours saisonnier d’été.

Cette histoire courte de 30 pages se retrouve dans le volume unique Noise, sorte de volume 0 de Blame! paru en 2001 au Japon. Grâce à ce premier essai, Nihei s’est incontestablement construit une excellente réputation, qui lui a permis de confirmer son talent à travers la série que nous pouvons désormais découvrir pleinement.

~ Le talentueux monsieur Nihei ~

Killy.
Né en 1971, Tsutomu Nihei fait d’abord des études d’architecture mais se reconvertit assez vite dans le manga. Après avoir assisté Tsutomu Takahashi sur Ice Blade (Jiraishin) il connaît le succès dès sa première oeuvre personnelle qui n’est autre que Blame!. Ne cachant pas son penchant pour la BD européenne avec en particulier des dessinateurs comme Enki Bilal (auteur de la très troublante et touchante trilogie Nikopol) ou François Schuitten (Les Cités obscures), Nihei bouscule les codes du manga grâce à son style très personnel…

Toute la force de Blame! réside dans son trait unique et sombre : c’est une sorte de concession et de parfait mélange entre le style occidental de la BD de science fiction et le style japonais du manga traditionnel. On retrouve donc un trait torturé, s’amusant à créer des humanoïdes difformes et mélangeant la chair avec des composants cybernétiques. Quant aux décors, ils sont sobres et très travaillés, pleins de détails, tout est conçu anarchiquement et réside dans de grands espaces avec par exemple des tuyaux sortant de partout (ou de nulle part ?) ainsi que des grandes tours et des outils informatiques. L’ensemble reste grandement inspiré par Giovanni Battista Piranesi (1720-1778).

Ce graveur et architecte italien a plus particulièrement travaillé sur un ouvrage ayant comme thème les prisons, où il a inventé un lieu étrange, avec de larges escaliers et de minuscules personnages écrasés par les arches, les tours et les ponts. On retrouve le même style dans Blame!.

Shibo et Dhomochevsky!.
Aussi, la saleté et les débris sont omniprésents et ne font qu’augmenter les sensations d’oppression et de malheur régnant dans ce monde. Les bâtiments s’entassent les uns sur les autres et leur architecture est remarquable, grâce aux études de l’auteur. A part ça, le look général est futuriste et principalement cyberpunk. Les personnages évoluant dans le manga sont souvent fins, certains se ressemblent énormément et ont des airs réservés, quelque peu fatalistes ou parfois sadiques. Tous sont cependant classes, énigmatiques et sublimes. L’auteur semble fan de films gores avec par exemple Hellraiser (1987) comme référence pour le look cauchemardesque des Silicates et des anges exterminateurs. Nihei recherche aussi à amener l’intrigue et l’action en réalisant un excellent travail avec les angles de vue toujours placés pour déranger ou pour impliquer pleinement le lecteur dans l’action.

On sent une très grosse influence cinématographique. D’ailleurs l’aspect graphique de l’oeuvre fait grandement penser à l’univers si excellent de H.R. Giger, surtout connu pour sa participation au film culte Alien (1979) de Ridley Scott dont la mise en scène fait que l’on ne sait à quoi s’attendre, que l’on découvre et que l’on redoute l’inconnu. Les matériaux mélangeant tissus humains et machines ainsi que des monstres aux formes très particulières font tout aussi penser à Alien. Cependant on pourra trouver quelques défauts. En effet, l’auteur semble bâcler certaines parties de son travail et le trait ressemble plus à du croquis qu’à un dessin fini sur certaines planches. On peut d’ailleurs s’apercevoir que le style évolue énormément à chaque nouveau tome, l’auteur maîtrisant de plus en plus son style expérimental. De plus, les combats sont vraiment confus par moment à cause de l’utilisation abondante d’effets d’explosions et d’accélérations. Cependant, ceux qui détestent le dessin des comics américains et qui adorent le style japonais trouveront en Blame! un parfait compromis d’une extrême beauté qui fait penser que Nihei est peut-être un des plus grands artistes de ce monde (ndAniki : ne nous emportons pas) ou tout du moins l’un des plus prometteurs et talentueux.

~ Je rêvais d’un autre monde [air connu inside] ~

Un puissant ennemi.
Comme le dit la première page du manga, l’action se passe peut-être sur notre bonne vieille planète bleue et/ou peut-être dans le futur (ce qui se ressent surtout par le design général et l’ambiance). L’aventure débute dans un endroit gigantesque dans lequel un homme erre. Cet homme se nomme Killy, il est le héros dont on va suivre les déambulements. Il semble assez réservé et ne fait qu’avancer dans un univers ressemblant à une colonie de fourmis dont il est un occupant, puisqu’en réalité Blame! se déroule dans une cité de taille colossale composée de plus de 5000 étages en perpétuelle croissance à la fois autonome et anarchique. Killy, sorte d’inspecteur, va devoir trouver son chemin comme un grand pour atteindre le sommet. Son but est de trouver un échantillon de gènes humains non contaminés par un virus s’étant propagé il y a quelques années (ou quelques siècles) et qui a changé le code génétique de tous les habitants de cette immense cité, ainsi qu’un terminal génétique pour utiliser cet échantillon à des fins que vous découvrirez vous-mêmes (un indice : c’est la partie politique de l’oeuvre).

Notre héros va donc progresser dans cet univers étrange pour accomplir sa mission. Il rencontrera durant son périple de nombreux êtres vivants humanoïdes à certains étages comme une scientifique nommée Shibo (qu’on découvrira d’abord sous la forme d’une vieille carcasse) qui l’aidera dans sa tâche ainsi que des cyborgs isolés qui tentent de survivre, des humains génétiquement modifiés particulièrement vulnérables ou des robots aux moeurs étranges et jouant aux anges exterminateurs. Il sera aussi aidé par le mystérieux Bureau Gouvernemental auquel il est étroitement lié. Cependant Killy continuera sa route quels que soient les nombreux obstacles venant continuellement lui barrer le chemin comme d’étranges robots nommés Sauvegardes (I.A. psychopathes et désincarnées), et d’immenses monstres destructeurs sortis d’on ne sait où. Nihei est assurément doué et doté d’une imagination débordante. Dernière chose, le monde de Blame! est un monde de violence gratuite, certains passages étant vraiment gores. Mais cette violence demeure essentielle pour apporter à ce monde un côté encore plus cruel et sombre ainsi qu’un contraste encore plus saisissant entre ce monde en décadence perpétuelle et les enjeux représentés par la quête de Killy.

Killy et une ennemie!. Sanakan.
Illustration de l’avancée technique de Nihei

~ Adventure-seeker Killy in the Cyber Dungeon quest! ~

L'intérieur d'une structure.
Le premier tome met en avant la découverte d’un univers sombre et énigmatique. Au fur et à mesure, le scénario et les vraies intentions des personnages se dévoilent. Pour résumer, Killy progresse de salles en salles, de niveaux en niveaux mais ne prononce aucun mot ou presque, les dialogues sont rares ce qui renforce l’immensité vide et froide de la cité.

Durant les rencontres avec de dangereux individus, Killy use de son habileté ainsi que d’une arme dévastatrice créant des trous de près de 70 mètres de large dans les chairs et les matériaux : un émetteur de positrons. Personne à part lui n’en possède et l’identité de Killy reste bien énigmatique… Est-ce réellement un humain alors qu’il possède une extraordinaire résistance ? Qui est-il réellement ? Comment cet univers s’est-il retrouvé ainsi ? A quoi sert le terminal génétique ? Quelle est la vraie nature de la Résosphère ? Bien sûr vous découvrirez tout en lisant mais ne vous attendez pas à comprendre le scénario du premier coup car Blame! est un univers bourré de mystères et d’événements confus. Ainsi les dialogues sont presque inexistants et ce qui est révélé par les personnages et l’avancée de l’histoire ne répond pas aux questions que l’on se pose. Chaque case est une image complexe à analyser qui peut apporter un détail supplémentaire à l’intrigue. Blame! est donc une oeuvre déroutante et captivante qui procure à chacun sa propre vision d’un monde et d’événements régis par des lois inconnues et étranges. Certains y trouveront un vrai raisonnement et d’autres y verront un simple manga assurément beau mais établi comme un jeu vidéo basique conçu selon une succession de découvertes et de combats. Il est certain que l’esthétique particulière de l’oeuvre ne laissera personne indifférent, à vous de voir si l’originalité d’un tel projet est une de vos priorités dans votre choix de lecture.

Exemple d'architecture. Les silicates.

Un signe mystérieux.
A ce jour 10 tomes sont sortis aussi bien au Japon qu’en France. La série Blame! est terminée et Nihei en a grandement profité pour s’occuper de plusieurs projets tels que Wolverine Snikt! ou Biomega. Nous avons également pu découvrir avec joie et stupéfaction les premières planches de la suite de Blame! qui n’est autre que Net Sphere Engineer. Il est aussi important de noter que Nihei a réalisé une autre oeuvre intéressante en 2001 qui peut, peut-être, apporter des réponses à nos questions ou encore en poser de nouvelles : Noise. On peut voir que le style reste le même et que certaines choses semblent liées à l’univers déroutant de Blame!.

Il existe aussi plusieurs courts-métrages d’animation nommés “Silicon Creature”, “Megastructure”, “Net Sphere”, “Killy”, “Rule Bureau” ainsi que “Cibo”. Ils sont regroupés sur un DVD avec 2 clips pour une durée totale de 40 minutes environ qui se nomme BLAME! Ver.0.11 : Salvaged Disc by Cibo. Un projet de long-métrage, BLAME! : The Net, était en chantier mais cette nouvelle adaptation animée a été abandonnée. Enfin, des films 3DCG sont en développement.
Si vous voulez un aperçu encore plus grand du talent de Tsutomu Nihei, sachez qu’un artbook nommé Blame! and so on regroupe divers travaux (dont majoritairement Blame!) de l’auteur.

Log @ fin.

L’oeuvre de Nihei est une oeuvre déroutante et dérangeante, elle révolutionne l’univers du manga et propose un style de dessin ahurissant de beauté. C’est aussi un monde différent du nôtre qui mérite le détour par sa complexité, son aspect inquiétant ainsi que son atmosphère particulière. Si certaines choses peuvent rester confuses, le plaisir est au rendez-vous malgré le fait que ce seinen se lise trop vite. A découvrir si vous aimez le côté sombre de la science fiction et les mondes torturés où l’ambiance est la chose la plus importante.

Vous voulez en savoir plus sur cette oeuvre et son auteur ? Vous pouvez vous rendre dès maintenant sur Cyber Dungeon !.

Ecrit par Daku le 03 juillet 2005 | Modifié le 04 novembre 2007

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