Accueil » Articles » MEMORIES

  • Titre original :
  • MEMORIES
  • Titre français :
  • MEMORIES

Joli astronaute (enfin pas trop).

~ Tout un programme ! ~

En 1995, c’est-à-dire 7 ans après Akira, sortait au pays du Soleil Levant un film d’animation basé sur un projet ambitieux mené par un des dieux vivants de la japanimation, Katsuhiro Otomo (Akira, Steamboy ou encore scénariste sur Metropolis). Cette fois-ci, le domaine abordé reste la science-fiction pour pousser toujours plus loin technique ainsi que réflexion. L’histoire reprend des nouvelles datant de 1992, regroupées dans un recueil nommé Her Memories (Kanojo no Omoide), rédigé par Otomo himself. Pour cela, le maître s’est entouré de grands noms, dont notamment Satoshi Kon (Perfect Blue, Tokyo Godfathers, Paranoia Agent) pour la scénarisation, que l’on peut considérer à juste titre comme ses fils spirituels. C’est ainsi que le projet Memories est né, regroupant 3 courts métrages d’une durée totale de 1h50 supervisés par Otomo mais réalisés par d’autres personnes que lui (sauf pour le dernier court métrage). Nous allons maintenant voir ce qu’il en est…

Ambiance plutôt ténébreuse.

~ Future / Episode 1 : Magnetic Rose ~

Le même astronaute ? Premier film de ce Memories, Magnetic Rose (la Rose Magnétique) est l’adaptation des planches dessinées par Otomo dans le Young Magazine durant l’année 1980. Il est réalisé par Koji Morimoto (qui avait déjà travaillé sur Akira) sous la supervision de Katsuhiro Otomo. L’histoire de cette partie (écrite par Satoshi Kon) se déroule dans le futur, à bord d’un vaisseau spatial d’éboueurs de l’espace dont la tâche est de détruire ou ramener les différents déchets et épaves qui dérivent dans l’immensité étoilée. Alors qu’ils s’apprêtent à revenir chez eux, ils reçoivent un SOS. Pris au dépourvu et ne voulant pas bafouer les lois et les codes de bonne conduite, l’équipage se met en direction du signal. Arrivés dans la zone émettrice du SOS, ils se retrouvent dans un champs de débris (qui rappelle les champs d’astéroïdes) avec au milieu une énorme structure dérivant dans l’espace, qui semble être un condensé de nombreuses parties de vaisseaux.

Qu'est-ce qu'il regarde ? Cette épave à l’aspect bizarre intrigue l’équipage. Ils décident d’envoyer des hommes explorer cet édifice malgré la gravité fluctuante du coin ainsi que les champs électromagnétiques pouvant être dangereux pour eux. C’est ainsi que Heintz, à l’aspect allemand ou de marine américain, et Miguel, un latino en mal d’amour, partent dans un petit vaisseau d’exploration et pénètrent dans ce grand amas de déchets. A l’intérieur, ils découvrent une porte et sortent en combinaisons spatiales de leur vaisseau. Ils arrivent dans un lieu étrange, une sorte de villa aux allures de XIXème siècle. Bouches bées par ce décors somptueux, ils avancent prudemment et découvrent un tableau d’une dame à la grande beauté qui semble être la maîtresse de la maison.

Soudain, Miguel voit par la fenêtre un champ sous un ciel bleu ainsi que la dame du tableau ! Intrigué, il se précipite mais se retrouve devant un hologramme. C’est à partir de ce moment-là qu’il commence par être fasciné par celle qui fut la célèbre cantatrice du XXIème siècle, une certaine Eva… Heintz et Miguel sont alors pris dans les souvenirs de la femme et ne savent plus ce qu’il se passe. Tout semble fantomatique, irréel. Miguel perd la tête et danse tout seul avec ce qu’il prend pour Eva, Heintz est quant à lui pris dans ses propres souvenirs où la force qui anime les illusions joue à lui briser le coeur en tuant dans ses rêves son bien le plus précieux, sa fille Emilie. On ne sait plus où est la frontière entre rêve et réalité, nos deux héros sont pris dans un dédale d’illusions qui ont l’air plus vraies les unes que les autres. Qui est vraiment Eva ? Qu’est-ce qui est réel ? Pourquoi les images de la vie d’Eva semblent-elles si vraies ?

Un petit air de déjà-vu. Le spectateur reste émerveillé devant cette mise en scène dynamique, cette tension insoutenable et les questions que l’on n’arrête pas de se poser. Chaque plan est une nouvelle surprise, on ne sait pas à quoi s’attendre avec cet animé qui nous plonge dans un tourbillon infernal qui joue avec le cerveau des deux héros, ainsi qu’avec le notre, dans les méandres de la mémoire ainsi qu’une réflexion sur la vie, la mort, la réalité et le virtuel. La musique est particulièrement réussie grâce à Yôko Kanno, qui utilise à merveille l’Orchestre Philharmonique de la République Tchèque. Le rythme s’accélère constamment, avec un superbe opéra en fond sonore, Madame Butterfly de Puccini, qui invite encore plus le spectateur à se confondre dans le délire de Heintz et Miguel. Le final est l’aboutissement d’une montée en puissance de l’intensité des sentiments et du délire.

Cet animé est donc superbe d’autant plus que le dessin est somptueux avec une finesse et une précision incomparables. Magnetic Rose enchaîne chaque plan avec une fluidité étonnante, et depuis 1995 il n’a pas pris une seule ride ! C’est un indispensable, surtout qu’il n’est pas sans rappeler les thématiques de Philip K. Dick ainsi que le réalisme spatial et la mysticité d’un certain 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, dont Otomo avoue la grande influence. On ressent aussi une part importante de la mythologie, comme l’influence du mythe du chants des sirènes, attirant les voyageurs pour mieux les dévorer… Avec Magnetic Rose, Otomo et Satoshi Kon prouvent encore une fois leur incommensurable talent. Ce court métrage lyrique et futuriste est un chef-d’oeuvre incontestable à voir ABSOLUMENT grâce à sa réalisation qui frise la perfection !

~ Present / Episode 2 : Stink Bomb ~

Encore un petit air de déjà-vu si je puis me permettre. Stink Bomb (la Bombe Puante) est réalisé par Tensai Okamura et scénarisé par Otomo. Il met en scène un jeune homme nommé Nobuo Tanaka, qui travaille au Japon pour le compte d’une société pharmaceutique. Le malheureux est enrhumé et n’arrive pas à travailler. Ses collègues l’informent que leur patron a dans son bureau un nouveau médicament contre la fièvre qui pourrait peut être l’aider. Ils lui indiquent que c’est un flacon rouge avec des pilules bleues. Ensuite, alors qu’il va voir son patron, Nobuo s’aperçoit que celui-ci n’est pas dans son bureau et trouve les médicaments. Étant maladroit et tête en l’air, il confond les couleurs et prend les pilules rouges du flacon bleu… Erreur fatale ! Il va s’endormir et se réveille le lendemain matin. Il découvre que tout le monde est évanoui (mort ?). Effrayé, Nobuo ne comprend pas la situation et pourquoi le système d’alarme et de quarantaine ne s’est pas activé si un virus s’est propagé. Arrivé dans le bureau du patron, il trouve le corps de celui-ci à quelques centimètres du bouton qui déclenche l’alarme. Il appuie et un écran apparaît, avec le PDG de la société. Celui-ci explose de rage en apprenant la nouvelle et lui demande d’amener les pilules et documents secrets à Tokyo. Nobuo prend donc son vélo et part vers la capitale japonaise. Mais à chaque rencontre, les gens s’évanouissent ! Il ne comprend pas du tout et continue son chemin. Pendant ce temps, le gouvernement japonais apprend la nouvelle et déclare l’état d’urgence, il ne faut pas laisser avancer Nobuo car les pilules expérimentales étaient dans un but militaire. Nobuo Tanaka est sans le vouloir une arme bactériologique lâchée en pleine nature ! Suivi par un nuage jaune de puanteur, il essaye de se rendre à Tokyo. Les armées sont mobilisées et essaient de stopper à tout prix le jeune homme. Mais le nuage jaune dérègle les armes qui ne fonctionnent pas ou se retournent contre les soldats. Nobuo, quant à lui, avance toujours…

Explosions urbaines. Stink Bomb est puant (jeu de mots !) dans la mesure où il n’apporte rien à la science-fiction et à la japanimation. On ne voit vraiment pas ce qu’il vient faire dans Memories, bien sûr on y critique les bureaucrates et l’évolution des guerres vers des conflits qui amènent la destruction par de nouvelles armes horribles (nucléaires ou comme ici biologiques) mais ça n’a pas du tout le même impact sur le spectateur que Magnetic Rose, qui de toute façon est tellement parfait qu’on ne pouvait espérer mieux par la suite… Exception faite de cette déception, Stink Bomb demeure un court métrage absolument hilarant et bien réalisé. Le graphisme n’est pas très beau (et vieillit mal) mais tout s’enchaîne bien avec un cynisme déroutant pour toile de fond. Les musiques sont, quant à elles, sublimes et endiablées grâce à un jazz qui colle parfaitement aux déluges d’explosions et de rebondissements de Stink Bomb. Bref, cet animé est un bon exemple du grand talent des japonais qui montrent la diversité de leurs réalisations, mais demeure une déception de par son caractère trop extravagant et pas assez novateur. Dommage…

~ Imaginary world / Episode 3 : Cannon Fodder ~

Armée rouge ! Dernier court métrage de Memories, Cannon Fodder (Chair à Canon) est le seul à être réalisé par Otomo lui-même. Sur une musique discordante d’Hiroyuki Nagashima, il dépeint une société totalitaire qui n’a pas d’autre but dans la vie que de tirer au canon sur un ennemi inconnu. Tout dans cette cité est formé dans cet objectif. Ainsi, la vision horrible de ce monde nous est présentée à travers le quotidien d’une famille. La mère se plaint du revenu maigre, le père travaille comme il peut au chargement des canons et le fils rêve de devenir un grand officier chargé de déclencher les attaques des canons. A travers eux, on peut vivre leur désespoir. L’univers est sombre et pousse à la réflexion sur ce monde dictatorial où les hommes sont du bétail chargé d’entretenir des armes de mort.

Graphiquement, on retrouve un dessin des personnages assez naïf qui contraste fortement avec la multitude des détails présents dans cet univers oppressant. Les teintes sont sombres, et le style crayonné pour un rendu assez sale, volontairement employé afin de respecter l’imaginaire des affiches de propagande de la Seconde guerre mondiale. D’ailleurs, on ressent bien cet aspect avec les caractères de langue russe qui renforcent l’impression de vivre dans l’URSS de Staline, ou plus précisément en Corée du Nord, bien plus proche du Japon. Techniquement, le court métrage est une réussite avec l’exploit de tenir en un seul plan séquence (on voyage dans le décor sans jamais changer de plan). Les musiques d’Hiroyuki Nagashima sont assez discrètes et discordantes, ce qui colle parfaitement au thème de la dictature folle qui déstructure l’individu pour le fondre dans une masse désabusée. Cannon Fodder est donc une réussite totale même si le graphisme vieillit plutôt mal, dû à la volonté de coller aux tons des années 40. Cette réflexion et cette approche de la société autoritaire dans son malheur sont bien traitées et confèrent à l’oeuvre un grand intérêt pour la S-F. On peut seulement regretter que l’épisode dure seulement 20 petites minutes environ, mais comme on dit, “les bonnes choses sont à consommer avec modération”.

Salut les beaux gosses.

~ Ending ~

Otomo prouve encore une fois son génie et sa maîtrise de l’animation grâce à une équipe de prestige et des idées merveilleuses. Memories est un indispensable qui plaira à beaucoup, dont les adorateurs de science-fiction pour son expérimentation sur des thèmes propres à cette littérature. Un vrai plaisir, qui démontre encore une fois que l’animation nippone peut être diversifiée et berceau d’oeuvres matures. En tous cas, tous les spectateurs de Memories s’en souviendront encore longtemps !

Ecrit par Daku le 11 mars 2005 | Modifié le 04 novembre 2007

Accueil » Articles » MEMORIES

Accueil Syndication M A