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  • Mirror's Edge

Mirror's Edge

Pour les deux du fond qui ne suivent pas trop l’actualité, Mirror’s Edge est un des deux jeux étiquetés par Electronic Arts comme des jeux « prise de risque ». Le but est de faire du neuf, que ce soit du point de vue du gameplay ou du reste.
Pour le développer, rien de moins que les Suédois ayant engendré Battlefield, le studio Dice, qui signe ici une excursion assez inattendue dans ses productions. Malgré la grosse campagne de pub, le jeu ne s’est pas bien vendu sur consoles et on peut comprendre assez facilement pourquoi. Au delà du problème de la manette qui est moins adaptée à un FPS que ne l’est la souris, Dice a fait un pari assez risqué sur l’ensemble du jeu.

Vous êtes dans la peau de Faith, une jeune femme dont le job est de livrer clandestinement des messages dans une ville où l’information est contrôlée, une sorte de 1984 mais sans la guerre, car dans cette ville sans nom, tout est propre et beau. Pas une crotte de chien dans la rue, pas un clochard sous un porche, rien. Tout est propre et la relative monotonie des immeubles n’est brisée que par l’ajout de couleurs pétantes et unies.
Dans ce contexte, Faith voit sa soeur accusée de l’assassinat d’un candidat à la mairie qui a sans doute eu la verve un peu rude contre son adversaire, le maire actuel, assez friand de contrôle de la population via des sociétés de sécurité privées. Faith devra donc démêler toute cette histoire et sauver sa frangine ; le plus souvent elle sera dans des situations difficiles car poursuivie par des flics ou des soldats en essayant de trouver une échappatoire ou de se rendre à un endroit précis.

C’est ici que les capacités de Faith entrent en jeu : la belle peut courir et prendre de la vitesse progressivement, sauter, rouler ou glisser au sol, s’accrocher un peu partout et même courir sur les murs un bref instant. Quelques passages de gunfights viennent varier les phases de plateforme mais on ne les retiendra pas pour leur génie : le feeling des armes est bon, mais le problème vient plus du fait que le jeu n’est pas fait pour ça et que le manque d’échappatoires dans certains lieux les rend obligatoires, même pour les joueurs voulant éviter le combat.

La valise n'existe plus dans la version finale

Et bien sûr, on entre enfin dans le vif du sujet : la première personne et la conscience de son corps que procurent le jeu qu’on nous promettait. Pour faire simple, c’est juste du jamais vu. Aucun jeu n’avait poussé aussi loin le réalisme dans la façon d’appréhender son propre corps dans un jeu vidéo. Ainsi, la vue à la première personne permet de réellement entrer dans la peau du personnage, mais cette impression se trouve renforcée par le fait de voir son propre corps, en baissant la tête, que ce soit en course ou non, chaque mouvement, chaque acrobatie permet de prendre conscience de la personnification qui est réalisée.
A ce titre, la souris dirige la tête de Faith, et le corps suit le mouvement vers lequel la tête est tournée. Cette méthode est très bien pensée car d’une part très naturelle (on regarde vers où on va, parfois on court tout droit en donnant des coups d’œil à droite ou a gauche), mais également très maniable : accrochée à une gouttière, Faith doit regarder son objectif pour s’y diriger, et cela permet de garder une fluidité extraordinaire dans le feu de l’action, de ne jamais perdre l’objectif de vue car si par exemple on saute pour atteindre une barre et qu’on regarde ses pieds, Faith croira qu’elle doit attraper une prise se trouvant vers le bas.
On évite ainsi l’écueil du FPS classique qui permet d’habitude de réaliser des actions ou des mouvements (comment sauter en arrière pour monter sur une caisse en visant un ennemi) sans qu’on les regarde.
Ici la conscience qu’on a de son corps va de paire avec la conscience qu’on a de l’objectif où le corps doit aller, réalisant une analogie parfaite entre l’environnement et le personnage.

La différence entre le combo clavier/souris et la manette prend alors toute son importance. A la manette il est impossible de jeter des coups d’oeils tout en gardant sa direction, à cause de la lenteur de mouvement du stick, alors qu’à la souris on peut très rapidement, en un instant, changer son angle de vue pour mieux observer, tout en compensant via les flèches du clavier avec beaucoup de précision pour ne pas perdre sa vitesse. Le positionnement des touches est idéal et bien pensé (espace pour sauter, shift pour se baisser, A pour se retourner, et les deux boutons de la souris pour frapper et attraper) mais on regrette du coup le manque de vibrations. Heureusement le jeu gagne énormément en nervosité par rapport à son homologue sur consoles, le fait de mourir souvent est beaucoup moins présent, et le jeu se trouve agrémenté d’options graphiques améliorées par rapport aux versions précédentes sur consoles : anti crénelage, filtrage anisotropique, résolution maximale, le tout très bien optimisé, ne ramant pas, avec cependant le support du PhysX de Nvidia restant anecdotique. L’aliasing très présent sur consoles a disparu et c’est fort agréable. Au final pour sa maniabilité et sa nervosité, on peut dire que Mirror’s Edge est un jeu PC qui ne s’avoue pas comme tel.

La descente et sortie des égouts se fait par ce réservoir géant.

Graphiquement le jeu dépote et impressionne surtout par sa fluidité. Certains ont trouvé à juste titre sans âme la charte graphique du jeu (blanc lisse avec couleurs pétantes) car créant une impression “artificielle”. Ceci est bien évidemment fait exprès : le jeu se déroulant dans une ville totalitaire, on sent une volonté dans les décors de montrer des efforts finalement vains pour égayer cette cité qui semble avoir perdue son âme : pots de peintures posés à coté d’un endroit fraîchement repeint, publicités gaies et joyeuses dans les ascenseurs, propreté omniprésente, apparence cubique et aseptisée ; en bref, tout un ensemble qui renforce particulièrement l’idée de base du scénario, le rendant bien plus crédible. Déambuler dans tous ces lieux dont on sent l’effet inverse que celui initialement voulu est à la fois triste et grisant.

Malgré la redondance qu’on aurait pu voir venir, les décors et lieux ne se limitent pas aux toits : on fera presque le tour de la ville, que ce soit ses plus hauts édifices comme dans ses profondeurs cachées : égouts, réservoirs d’eau géants et métros en marche occupent une place importante dans le jeu, une sorte de 50% de toits et un 50% d’autres endroits bien équilibré.
Les niveaux ne sont pas ouverts façon Assassin’s Creed, mais plus proches de gigantesques cartes à direction unique proposant de temps à autres des choix multiples. On rapprocherait cela plus d’un Prince of Persia époque Sands of Time ou d’un Ico : un chemin tracé et unique, mais une vraie conscience de l’architecture nous faisant remarquer et reconnaître de loin des endroits dans lesquels nous sommes passés auparavant, une ville non pas faite pour le joueur mais dont le joueur doit s’accommoder, achevant en quelque sorte la relation corps/décors dont nous parlions plus haut.

Le scénario, raconté via des cut-scenes style flash de qualité variable contentera les moins regardants sans pour autant transcender qui que ce soit : on a plus affaire à un contre la montre pour sauver la soeur de Faith, donnant un rythme proche d’un épisode de 24H Chrono sur fond de totalitarisme, d’assassinats et de magouilles politiques qu’à un réel brulot assassin sur la politique sécuritaire. Tout au plus y a-t-il de temps à autres une allusion sur le sujet, mais on laisse au joueur le soin de comprendre plutôt que de lui mettre les réponses sous le nez, ce qui à la limite est appréciable au vu des erreurs que cela engendre par moments (Call of Duty 4, au hasard…).

Les grues sont synonymes de passages difficiles.

Alors ce jeu, bon ou pas ? Et bien oui, mille fois oui ! Jouer une Yamakasi plate comme une planche à pain qui doit se défendre sans armes dans une ville totalitaire dans le but de sauver nos libertés individuelles apporte un peu de fraîcheur mais explique aussi que le jeu se casse la figure niveau ventes face à un Gears of War et ses fusils péniens. Le jeu est malheureusement très court : il se finit en six heures et ne propose que des challenges au chrono contre des joueurs du monde entier. On peut donc se la péter en ligne pour montrer comment on a trouvé le meilleur chemin, mais encore faut-il aimer ça, car on comprend que c’est aussi un chapitre important du jeu auquel il faut accrocher pour allonger la durée de vie du titre.

Viennent les problèmes du prix et du public : 70 euros sur consoles pour y jouer à la manette, 50 euros sur PC pour mourir moins souvent et finir donc le jeu plus vite (et se taper des protections anti pirates à la con, bonjour Securom), ça paraît cher, voire très cher pour six heures de jeu.
Et c’est à la fois vrai et faux en fait : les cartes sont très grandes, très fouillées, variées, dotées d’un game-design très inventif, le boulot effectué sur le corps est innovant et fera de ce jeu un exemple qu’on citera encore dans dix ans comme on retiendra Resident Evil 4 pour la caméra à l’épaule.
Certains passages sont justes épiques, et si le jeu est court cela tient plus dans son style que dans son contenu à proprement parler. Les erreurs des développeurs étant plus de ne pas avoir proposé un mode multijoueurs et un éditeur de cartes, choses qui arriveront dans le second opus de ce qui a été pensé depuis le début comme une trilogie. Pour ma part je l’ai acheté 35 euros sur Internet et je trouve ce prix juste et équilibré pour le contenu proposé.

Le passage dans le métro est un des plus impressionnants.

Pour le public c’est une autre histoire : on discute souvent sur Lost-Edens, antre de joueurs de RPG habitués à la troisième personne, de l’immersion engendrée par la première personne souvent détestée car ne permettant pas de voir son personnage et donc de s’identifier à lui. Mirror’s Edge ne résout pas pleinement ce problème mais esquisse une voie qu’il faut creuser pour faire évoluer cette perspective.
Il faut donc tester pour voir si l’on apprécie ou pas, si la conscience de son corps est suffisante pour des joueurs reprochant à la première personne de n’être qu’un point de vue désincarné. Mirror’s Edge est une sorte d’ovni du FPS comme l’ont été Bioshock et Portal : des jeux ayant des qualités et des défauts proposant autre chose dans un genre souvent trop consensuel.

Pour ma part je suis conquis, subjugué par tant de maîtrise et d’innovation, et il me tarde de pouvoir jouer à une suite que j’imagine encore meilleure.

Ecrit par Neithan le 20 janvier 2009 | Modifié le 20 janvier 2009

Le 21/01/2009 à 01:26:32

Morki
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Pour la conscience qu’on a de son propre corps, il y avait aussi Chronicles of Riddick (j’ai fait la version PC et vous savez quoi? C’est un portage de FPS console tiré d’une licence qui dépote sa mère. Comme quoi…): le balancement de la caméra quand on avance, là encore, l’absence de HUD (à part trois/quatre carrés qui indiquent la vie, y’a rien d’autre) et certains passages (monter une échelle, se hisser, plus quelques autres) en 3è personne, ou plutôt en angles cinématiques.
Sinon Dark Messiah of Might and Magic: Quand on recule on va tout de suite beaucoup moins vite (donc exit le reculer c’est gagner), Même les (rares) cinématiques sont à la première personne, et surtout… le coup de pied. Jamais vu ça dans un FPS, cas unique, tout ça: on peut donner des coups de tatanes, et plein de trucs partent de là. Mise en scène cinématographique, mais, comme certains trucs de Half-Life (plutôt à partir du ²) on y assiste éloigné, en retrait, à distance de sécurité, parce que sinon… couic.
Et les FPS qui (je trouve) arrivent à instaurer un véritable sentiment de vulnérabilité sont (je trouve) ceux qui gèrent bien leur corps à corps. Et là, bizarrement… Riddick et Dark Messiah galopent loin devant.

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-Je me suis bien attaché à la corde, je descend en rappel.
-Tu l’as attaché à quoi la corde?
-Euh…

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Le 21/01/2009 à 13:50:46

Neithan
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Ouais Riddick c’est Starbreeze Studio je crois, ils ont une approche très personnelle du FPS qui fonctionne bien (Riddick, the Darkness) et apporte souvent autre chose que ce qu’on voit habituellement.

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Le 21/01/2009 à 21:09:40

Skarn
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J’avais testé la démo sur 360 et j’avais trouvé la maniabilité assez atroce (le placement par défaut des boutons est absolument stupide, tout se fait aux triggers x_x) et le concept pompé sur Prince of Persia, la fluidité en moins (le manque de précision de la vue FPS par rapport a la vue à la 3e personne de PoP faisant qu’on se casse régulièrement la gueule pour des conneries). Cela dit graphiquement j’adhère assez au style monochrome de l’architecture, même si le look TECKTONIK YAMAKASI des persos n’est pas vraiment mon truc. Le PC étant à mon sens plus adapté pour les jeux à vue FPS, je retenterai probablement le jeu dessus un jour.

Oh sinon:

“Pour le public c’est une autre histoire : on discute souvent sur Lost-Edens, antre de joueurs de RPG habitués à la troisième personne, de l’immersion engendrée par la première personne souvent détestée car ne permettant pas de voir son personnage et donc de s’identifier à lui.”

De nombreux moteurs FPS (notamment le Source Engine) permettent de switcher de la 1ere a la 3e personne a tout moment. Personnellement je trouve ça tout à fait correct, tant au point de vue identification que pour les modifications du gameplay que ça entraine.

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