C’était une journée d’hiver comme tant d’autres : froide et ennuyeuse. Alors que je commençais à trouver une occupation intéressante, assis sur le rebord de ma fenêtre à admirer le spectacle que constituaient les mythiques chutes des rares passants (trottoir verglacé oblige), je vis une camionnette se garer face à mon regard. Un rescapé des plateaux de tournage Dorcel en sortit.
Après un court moment de frayeur, je compris qu’il s’agissait du LIVREUR (dépanneur de photocopieuses à ses heures perdues). Rapidement, je pris le paquet en mains (je te vois venir toi, dans le fond), et l’ouvris pour constater… qu’il s’agissait malgré la taille du carton de Viewtiful Joe sur Gamecube, beat them all de Capcom à l’époque fraîchement sorti dans nos contrées (han le ringard, un article sur ce jeu alors que le 2 est sorti). Ma commande était arrivée ; j’étais sauvé.
La micro-galette avalée par le cube noir (oui mon GameCube est noir, il a la classe 8), tout démarre très vite et les premières images donnent rapidement le ton : cartoon, flashy, SENTAÏ (non, pas hentaï). Je rappelle que le sentaï est un genre, hum, artistique typiquement japonais mettant en scène des super vengeurs masqués en combinaison moulante ; parmi les plus connus citons le pas-si-connu-en-fait Kamen Rider, l’illustre Chôdenshi Bioman, le cultissime Jushi Sentaï France Five voire même l’américanisation du concept : Power Rangers.
Bref, dans ce jeu un cinéphile du nom de Joe ainsi que sa petite amie Silvia vont se retrouver happés de l’autre côté de la salle de cinéma (comme dans Last Action Hero avec Pumping Arnold), à l’intérieur d’un film très sentaï mettant en scène le charismatique héros Captain Blue. Du moins à la base car il a cette fois été vaincu, contrairement au happy ending prévu par le script. Joe va hériter des pouvoirs de son idole pour devenir le poseur et arrogant VIEWTIFUL JOE dans le but de casser la bouche aux Jadows à la place de Captain Blue. Surtout qu’ils ont enlevé Silvia et préparent un obscur plan de conquête du monde, parce qu’ils en ont marre de n’être que les figurants d’un film.
Ceci étant dit, je vous épargnerai les détails de l’histoire puisque de toute façon personne ne les lit jamais et surtout qu’elle n’est pas développée du tout, se basant plutôt sur le délire et la parodie. Si l’envie me prenait de lâcher un mauvais jeu de mots, je dirais que le scénar’ du jeu tient sur un ticket de cinéma. Mais ça ira comme ça, merci.
Viewtiful Joe est structuré à la manière d’une série télé : en épisodes, avec previews du prochain épisode et tout le tralala. Chaque épisode contient deux parties distinctes plus une phase de boss. Il sera possible lors des entractes de sauvegarder la partie ou de se rendre dans l’écran de Power Up où, moyennant des points V obtenus au cours du jeu (astuce : effectuer de belles actions apporte un surplus de points), on pourra acheter vies, recharges de Voomerang, Shocking Pink (etc.) mais aussi de nouvelles actions pour Joe telles que le Redhot Kick ou l’esquive Viewtiful Forever.
En tout, il faudra parcourir 7 épisodes longs, difficiles et plus ou moins variés (ville, train, base sous-marine…) où énigmes de plus en plus corsées (mais jamais très compliquées), dangers, boss, sous-boss s’enchaîneront à un rythme frénétique, renouvelant sans cesse l’intérêt et les moments de bravoure. Les phases de boss (ceux-ci vont du gangsta rhinocéros à l’avion MIG, en passant par la chauve-souris géante et l’épéiste électrique) sont ainsi très intenses : il faudra être partout à la fois afin d’esquiver les attaques, trouver les points faibles du ou des ennemis, et se gratter quand le besoin s’en fera sentir. Le jeu se moque d’ailleurs du joueur quand il enclenche une pause, essayez donc. :D
Et plus concrètement, comment ça se joue ?
Le jeu a beau être en troidé, la progression s’effectue de manière linéaire à l’image du fêtedanleslipesque Pandemonium en son époque. Le gameplay, mélange de beat them all, de plate-forme et de shoot est donc semblable à ces bons vieux jeux en scrolling horizontal : c’est un véritable bonheur que de retrouver les sensations d’un Battletoads ou Probotector… en version survoltée ! Enchaînements de poings/pieds, lancers de projectiles, sauts (et doubles sauts : un jeu sans cette possibilité n’est pas un bon jeu), esquives et autres font partie du jouissif éventail d’actions du père Joe. La possibilité de rester longtemps dans les airs joue aussi énormément à mon goût. Par ailleurs, la prise en main du personnage est très souple et confortable grâce au décidément excellent pad GameCube. Classique, tout ça ? Oui, mais n’oublions pas l’innovation du jeu : les Viewtiful FX !
En plus de disposer de capacités physiques surhumaines lorsqu’il se transforme, notre grand poseur devant le pas-si-éternel acquerra rapidement trois pouvoirs bien distincts qui lui permettront d’influer sur la pellicule (ben oui, on est à Movieland) : les VFX.
Slow Motion !
Le premier, assez semblable au bullet-time matrixien, lui permet de ralentir le cours du temps par pression sur le bouton L, ce qui rend possible la distribution de coups largement plus concentrés, de cibler les ennemis pour les envoyer s’écraser sur leurs petits copains ou encore d’esquiver leurs attaques par un élégant déhanchement voire parfois un joli mouvement de breakdance aérien.
Mach Speed !
Le second permet d’accélérer la vitesse de Joe par pression sur R, ce qui en pratique permet un débit d’attaque beaucoup plus élevé, à tel point que des clones de Joe (qui s’enflamme littéralement) semblent se trouver un peu partout sur l’écran.
Zoom In !
Le troisième et dernier pouvoir, combinable avec l’un des deux autres, permet de zoomer sur l’action à l’aide du stick C. Il s’agit du pouvoir qui déclenche les attaques les plus dévastatrices, comme le très utile coup de pied rotatif, ou le tourbillon aérien. Bref, de quoi décorner trois ou quatre mammouths obèses.
Bien entendu, en plus de vous faire découvrir les joies de la perception atmosphérique d’un homme pas tout à fait sobre, chaque pouvoir influe sur le décor et les objets, et par conséquent est régulièrement suscité pour résoudre de petites énigmes ou se tirer de situations délicates. Comment faire face à la mitrailleuse d’un hélicoptère ? En ralentissant le temps pour lui renvoyer ses balles d’un bon coup de pied sauté ! Mais il ne faudra pas en abuser car la jauge VFX (qu’il est possible d’étendre en trouvant un certain nombre de “V” disséminés dans tout le niveau, ou de figer pendant un moment grâce aux fioles rouges) se vide progressivement lorsque l’un des pouvoirs est enclenché. Une jauge vide signifie un retour à l’état “Joe”, vulnérable et sans pouvoirs, jusqu’à ce que le VFX soit à nouveau suffisamment rempli pour une transformation. Attention donc, car si ralentir le temps vous rend potentiellement invincible, l’esquive coûte une bonne partie de la barre et vous rend ensuite vulnérable pendant de longues secondes !
Visuellement ces pouvoirs en jettent un maximum, et niveau gameplay c’est un bonheur complet grâce à la grisante sensation de pouvoir tout contrôler. Quoi de plus jouissif que d’enchaîner vos assaillants en tutu au ralenti zoomé avant de les envoyer dans les airs en accéléré pour les suivre d’un magnifique double saut afin d’aller les faire s’encastrer au sol en slow motion ? Yummy ! :D
Ca ne se voit pas du tout en photo, mais techniquement Viewtiful Joe est une merveille. Le visuel est très réussi, grâce à un cell shading particulièrement bien exploité qui donne l’impression d’évoluer dans les décors d’un film à la sauce comics, mais aussi grâce à des effets esthétiques dans tous les sens et à une excellente animation (il faut voir Joe bouger !). Le tout sans une seule trace de ralentissement dans tout le jeu, s’il vous plaît. De quoi en prendre plein la tronche, c’est moi qui vous le dis.
L’ambiance sonore n’est pas en reste avec des bruitages et cris bien pêchus, ainsi que des musiques sympathiques (rien de transcendant à ce niveau). Il est particulièrement grisant d’entendre le bruit des coups en phase ralentie, tandis que la perception du son ambiant est lente, diluée, distordue, et que vos ennemis explosent dans un fracas cristallin.
Un petit tableau est parfois plus parlant que de longues phrases. Surtout que, de temps à autre, ces interminables assemblages de mots sont après constat plus vides de sens que la cavité rectale d’un ornithorynque candide, ne servant qu’à meubler et remplir des paragraphes souvent tout aussi vides de sens dans l’unique but de créer le néant à l’intérieur de l’esprit du lecteur ou de vainement espérer paraître intelligent en tentant de trouver un prétexte ridicule pour raconter des conneries. Tiens, j’ai vu un pigeon tomber d’une branche : il avait sans doute quelque chose à se reprocher, mais noyer ses problèmes dans la drogue n’était pas la solution. En parlant de tournevis, on m’a raconté que les baleines à bec du Pérou étaient responsables des pertes de profit de l’agriculture sud-norvégienne. Qui l’eut cru. A part ça vous aimez les tableaux ? (Nd Echy : Non !)
Technique : 17/20 | ||
Esthétique : 16/20 | ||
Animation : 18/20 | ||
Maniabilité : 18/20 | ||
Sons : 14/20 | ||
Durée de vie : 13/20 |
Les plus :
Les moins :
Note d’intérêt : 9/10 |
NB : oui, ce tableau est bien un clin d’oeil avoué au meilleur canard sur le vidéoludisme que le pays de Justin Bridou ait jamais porté 8)
Viewtiful Joe, c’est comme les catcheurs mexicains : ça fait mal. Techniquement excellent, visuellement agréable pour peu que l’on accroche au style et gameplayement dément, le jeu ne pêche vraiment que par sa durée de vie (dizaine d’heures pour le commun des mortels et la moitié pour les Jésus du pad, mais il existe des bonus à débloquer), ce qui est somme toute logique pour un beat them all. Un beat them all survitaminé, jouissif et à prendre au trouzième degré, digne des bonnes vieilles productions d’antan. Life is Viewtiful !
Ecrit par Aniki le 20 juin 2005 | Modifié le 04 novembre 2007