C’est avec une impatience non dissimulée que je me jette sur mon clavier pour vous faire part de mes impressions sur Xenogears. Sorti sur notre bonne vieille PSX en février 1998 au pays du soleil levant puis en octobre de la même année aux USA, l’oeuvre de Tetsuya Takahashi a aujourd’hui fait ses preuves et bon nombre de joueurs l’adulent comme l’un des meilleurs RPG existant. Ce jeu n’est pas pour autant exempt de tout reproche et est ainsi la proie de nombreuses controverses. Il est d’ores et déjà clair qu’il ne conviendra pas à certains types de joueurs. Si pour vous l’action est primordiale, passez votre chemin mais si vous êtes un tantinet tolérant sur un moteur graphique dépassé, un gameplay quelque peu bancal et un scénario (titanesque) qui prend le pas sur l’action, alors suivez le guide car cela vaut largement le détour.
La scène d’introduction nous offre une vue plongeante sur l’Eldridge, gigantesque vaisseau interplanétaire, voguant au beau milieu de l’espace. Soudain, l’équipage détecte l’éveil d’une existence tentant de s’emparer du vaisseau. Celle-ci progresse à une vitesse phénoménale, et ce, malgré les moyens mis en oeuvre par l’équipage. Impuissant, le capitaine ordonne l’évacuation du navire, mais celle-ci vire au drame lorsque les navettes de secours sont abattues par les propres canons du vaisseau. Ce dernier, définitivement hors de contrôle, pousse le capitaine à activer le système d’autodestruction. Dans un festival de lumière, l’Eldridge explose et vient s’échouer sur une planète voisine. Née de l’épave “elle” se leve doucement, les cheveux aux vents et les yeux reflétant l’aube du jour où Dieu et le genre humain chutèrent sur terre.
Après cette scène d’introduction, un prologue vous informe sur la situation géopolitique de la planète. La guerre entre le pays d’Ignis et celui d’Aveh fait rage et l’issue des combats n’est plus déterminée par des combats d’homme à homme mais de gear à gear, gigantesques et surpuissantes machines dont l’origine remonte à des temps ancestraux. Vous voilà alors aux commandes de Fei, jeune homme partiellement amnésique vivant paisiblement dans le petit village de Lahan. Bientôt, d’étranges événements vont avoir lieu, entraînant Fei loin de chez lui afin de découvrir ce qui se trame réellement sur la planète. Rendu en ce point, vous me demanderez certainement quel est le rapport entre la scène d’introduction et tout cela ? Il n’y en a tout simplement aucun et il vous faudra attendre de longues heures de jeu afin de la comprendre. Ceci n’est que le début d’une très longue série de questions qui caractérisent bien le scénario de Xenogears.
Xenogears est sorti un beau jour de février 1998 et le moins que l’on puisse dire c’est qu’à l’époque, la 3D ne pétait pas de mille feux. Ce soft en est la preuve, son moteur graphique qui pouvait convenir à l’époque est désormais obsolète (c’est bien connu, la 3D vieillit mal) et d’énormes pixels jonchent l’écran, de quoi en rebuter certains. La caméra permet des rotations à 360° autour du joueur. Ici, pas de beaux fonds pré-calculés mais des décors en 3D temps réel. Ces derniers sont par conséquent bien moins jolis, mais, en revanche, ont le mérite de bien se fondre au reste et de conférer au soft une plus grande fluidité. En ce qui concerne la représentation des personnages, là encore le moteur graphique joue beaucoup et il est déconseillé à toute âme sensible de zoomer sur l’un des protagonistes. Malgré ça, le travail de Kunihiko Tanaka (le chara-designer) est bien retranscrit et le style des persos reste excellent. Autre point, je me suis surpris plusieurs fois à rester devant mon écran pour admirer l’aspect visuel des combats qui brillent par leurs dynamisme, couleurs, effets en tous genres et ce mélange de 2D/3D non sans charme. En gear, c’est tout de suite moins impressionnant malgré la bonne représentation des méchas. On notera également la présence de quelques rares scènes cinématiques et animées de très bonne qualité qui viennent pimenter le tout de temps à autre. Au final, et malgré quelques très bonnes choses, il me faut reconnaitre que le graphisme est le point noir du jeu. Ainsi, certaines personnes ne passeront pas ce cap (Bryan ? ok je vais me pendre). Pour ma part ils n’ont jamais été un obstacle à ma progression, loin de là.
Un autre point du jeu souvent critiqué concerne le gameplay et le plaisir de jeu en général. Le vieux refrain comme quoi Xenogears ne se joue pas mais se lit revient fréquemment dans la bouche de ses détracteurs. Il y a bel et bien un gouffre entre l’intérêt que suscitent le scénario et le moteur de jeu, mais ce dernier n’a pourtant pas été délaissé. Les phases d’explorations sont nombreuses et variées, les donjons longs et prenants, mais il arrive que le gameplay vienne gâcher tout ça. Je m’explique : vos personnages ont la possibilité de sauter à leur guise et les développeurs ont cru bon d’intégrer quelques phases de plate-forme au jeu. Heureusement, ces dernières sont assez rares. Je dis heureusement car les sauts sont tellement mal gérés que certaines parties du jeu virent au calvaire (oui la Babel Tower n’est pas légendaire que pour son apparition dans la Genèse ^^).
Côté combats, le soft innove en proposant deux modes bien particuliers. A pied, les combats sont principalement basés sur des combinaisons de touches. Le joueur dispose de points d’attaques qu’il peut utiliser en pressant les différents boutons de la manette : le triangle pour l’attaque faible, le carré pour la moyenne et la croix pour la plus forte. Elles coûtent respectivement 1,2 et 3 points et sont de moins en moins précises à mesure que le coup gagne en force. Un vaste panel de combinaisons s’offre ainsi au joueur et à cela s’ajoute la possibilité d’effectuer des deathblows. Ce sont des combos aussi redoutables que beaux obtenus après un enchaînement bien précis de touches pour peu qu’ils aient été appris au préalable. Et c’est en variant au maximum ses coups que l’on en apprend le plus. Hormis ces attaques, le joueur peut aussi utiliser les classiques objets et magies/capacités même si, au final, ces dernières ne servent que très peu. Le tout est vraiment dynamique, joli à voir et c’est un plaisir de combattre.
Mais la plus grosse innovation vient des combats en gear. En effet, vous aurez la possibilité de contrôler ces robots surpuissants pour combattre les ennemis les plus robustes. La difficulté réside ici à bien gérer son fuel. Ainsi, la commande de boost permet d’agir beaucoup plus vite mais utilise une grande quantité de carburant à chaque tour et la fonction stock sert à reprendre du fuel tout en se défendant. Chaque attaque en consomme ainsi une certaine quantité de la même manière que les points d’attaque au sol. Mais ici, le personnage ne peut frapper qu’une fois par tour et les combos ne sont réalisables qu’après avoir attaqué plusieurs fois. Ces combos sont d’ailleurs l’unique lien (ndEchy : tout du moins au niveau gameplay) entre les caractéristiques de vos personnages et de leur gear. En effet, les combos disponibles en gears dépendent du nombre de deathblows appris au sol. Pour le reste, seuls les équipements attribués aux gears influeront sur leurs caractéristiques et autre options (si l’on fait exception du Holy Pendant et de certains autres objets). Malheureusement, ces combats pêchent en dynamisme et en intérêt. Ils n’en restent pas moins sympathiques.
Au final, le gameplay ne souffre d’aucun défaut majeur si ce n’est peut-être les rares phases de sauts. Les combats sont intéressants et je me dois de saluer l’effort des développeurs pour avoir apporté un peu de fraîcheur en la matière. Malheureusement, ces phases d’actions ont tendance à s’effacer devant l’histoire et c’est quelque peu dommage.
La transition est toute trouvée pour vous parler de l’élément principal de Xenogears, le coeur même du jeu et ce pourquoi il est devenu un incontournable en la matière, je veux bien sûr parler de son scénario. Et sur ce point, Tetsuya Takahashi met tout le monde d’accord. Long, profond, intéressant, surprenant, passionnant, les adjectifs ne manquent pas. Malheureusement, il est impossible de parler de l’histoire comme il faut sans mettre quelques spoilers dans cet article, et ce serait sacrilège ^^. Je vais donc résumer cela assez brièvement du mieux que je peux.
Vous incarnez Fei, un jeune homme dont la mémoire ne remonte qu’à trois ans, date à laquelle il fut amené blessé et inconscient par un inconnu dans le village de Lahan. Il y a depuis vécut tranquillement, mais un beau jour, le village est pris entre les feux de deux escadrons ennemis de gear. Afin de sauver les siens, Fei monte à bord d’un des gear et c’est alors que l’impensable se produit. Sans savoir pourquoi ni comment, il détruit la totalité de son village et ses alentours. Il décide alors de partir loin de Lahan pour ne plus jamais faire de peine à personne. Les rencontres qu’il fera par la suite bouleverseront à jamais son existence. Les révélations se succèderont et les questions se feront de plus en plus nombreuses, ne trouvant réponses que bien plus loin dans le jeu et faisant ainsi (en partie) le charme du scénario.
Cependant, une telle histoire ne se fait pas sans contraintes. Le scénario est par exemple extrêmement long à se mettre en place (les 40 premières heures) et il ne démarre réellement que vers la fin du premier CD pour prendre toute son ampleur au second. Alors de grâce, soyez patients, car ce qui vous attend par la suite en a calmé plus d’un. Un tel scénario implique également la présence de longues scènes de dialogues, et il y en a à la pelle dans Xenogears, parfois durant des demi-heures entières. Voilà pourquoi certains n’apprécieront que modérément de rester à lire devant leur écran. Cependant, pour peu que l’histoire vous captive (90% des cas) cela devrait passer comme papa dans maman. Une bonne maîtrise de l’Anglais est aussi indispensable pour la compréhension du scénario. Même avec cela, ce dernier n’en reste pas moins compliqué et il est fort possible que vous ne compreniez pas tout à la fin de la première partie. C’est pourquoi vous gagnerez énormément à faire le jeu une seconde fois (ndEchy : voire une troisième). Les éléments de l’histoire paraissent alors plus clairs et de nombreux détails vous sautent soudain aux yeux.
Pour terminer, je vais vous parler des protagonistes du jeu, et là encore, on atteint des sommets tant sur le plan esthétique que scénaristique. La chara-designer, Kunihiko Tanaka a fourni un travail de grande qualité, nous proposant des personnages hauts en couleurs, aux traits fins et ayant leur propre style (et si certains doutent encore de son talent, je leur laisse le soin de découvrir ses dessins dans le Xenogears PERFECT WORKS the Real thing). De plus chaque personnage est traité en profondeur dans le jeu. Le duo Fei/Elehayym a bénéficié d’un soin tout particulier et ce qui en ressort à la fin est tout simplement exceptionnel. Mais Takahashi n’a pas pour autant délaissé ses personnages secondaires, loin de là. On apprend tout de leur passé, leurs blessures et leurs motivations et aucun d’entre eux ne joue le rôle de figurant. Au bout du compte, des personnages comme Id, Fei, Elehayym, Shitan, Emerada ou encore Karellen, pour ne citer qu’eux, marqueront à coup sûr les esprits.
Aujourd’hui, le scénario de Xenogears n’a assurément plus rien à prouver. De par son étonnante richesse, il a bâti à lui seul la renommée du jeu et ce n’est pas pour rien qu’il est considéré comme étant le meilleur jamais écrit en tant que tel.
Hé oui, le compositeur de la bande son de Xenogears n’est autre que Yasunori Mitsuda, un grand dans ce domaine que beaucoup doivent connaître pour ses travaux sur Chrono Cross, Chrono Trigger [1] – [3], Front Mission : Gun Hazard et j’en passe. Bien qu’assez inégale, l’OST de Xenogears est vraiment magnifique. Tout au long du jeu les musiques bercent le joueur dans une ambiance mystique et envoûtante. Des morceaux comme Omen, The Treasure wich cannot be Stolen, October Mermaid, Tears of Star, Awakening ou la désormais très connue Small Two of Pieces sont de purs chef-d’oeuvre qui font à eux seuls le charme de certains passages. Il y a un cependant un bémol (han le jeu de mot) ! A ces superbes musiques s’opposent des pistes de bien moindre qualité, revenant assez souvent qui plus est. On finit vite par s’en lasser et l’on regrette que Mitsuda (comme à son habitude) ne se soit pas investi de la même manière dans chacune de ses pistes. D’ailleurs, pour tous les mélomanes qui tiendraient à combler ce manque, je leur conseille vivement le CREID, merveilleux album où Mitsuda a remixé une dizaine de pistes de l’OST originale pour en faire quelque chose de fabuleux.
En bref, Xenogears peut se targuer d’avoir une excellente bande-son qui est, pour ma part, l’un des plus grande réussite de Mitsuda.
Voilà, j’oublie sûrement plein de choses comme l’ambiance fantastique qui se dégage des nombreux lieux que vous visiterez (encore la Babel Tower oui ^^) ou encore la durée de vie du soft qui doit dépasser les 60-65h pour un joueur moyen. L’intérêt principal du jeu réside, bien entendu, dans son scénario, mais tout ce qui entoure l’aventure n’a pas été laissé pour compte. Si les longs dialogues et les vieux graphismes ne vous rebutent pas, Xenogears figurera sans aucun doute dans le Panthéon de vos RPG favoris.
Ecrit par Nooj le 23 décembre 2004 | Modifié le 16 avril 2008